Les personnes diabétiques seraient plus susceptibles de développer un trouble des conduites alimentaires (TCA). Comment identifier ces troubles et les prévenir ? Quelles conséquences sur la santé ?
Pour faire le point, nous avons interrogé le Dr Mathilde Septier et le Dr Julia Clarke, toutes deux psychiatres, praticiennes hospitalières qui sont spécialisées dans l’accompagnement et le traitement des personnes présentant des troubles des conduites alimentaires.
Qu’est ce qu’un TCA ? Comment se déclare-t-il ?
Les troubles des conduites alimentaires (TCA) sont des troubles psychiatriques graves qui se caractérisent par une perturbation sur le long terme de l’alimentation ou du comportement alimentaire. Il en résulte un mode de consommation pathologique ou une absorption de nourriture trop ou pas assez importante ce qui aura des conséquences délétères sur la santé. Ils touchent plus généralement les femmes adolescentes ou jeunes adultes, avec un âge moyen de début autour de 17 ans. En cause, l’association de certaines vulnérabilités qu’elles soient biologiques, génétiques, psychologiques, environnementales et/ou socioculturelles. Les conséquences sont, elles aussi, multiples car elles peuvent toucher à la fois à la santé physique ou au fonctionnement social (isolement, rejet…). Il existe trois principaux TCA : l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie boulimique ou binge eating disorder.
Pourquoi ce risque est-il plus élevé chez les jeunes diabétiques de type 1 ?
Les personnes présentant une maladie chronique sont plus vulnérables face aux troubles psychiatriques. On note une prévalence plus élevée des TCA chez les patients diabétiques, en particulier chez les jeunes filles (avec des chiffres allant de 3,5 à 25 % selon les études). Chez les patients diabétiques, les soins sont concentrés sur le régime alimentaire pour l’adaptation du traitement par insulinothérapie. La gestion de la maladie impose de quantifier les apports en glucides et d’avoir un contrôle journalier plus étroit sur son alimentation. Il est donc important d’être vigilant sur le sujet et de s’intéresser aux signes précurseurs.
Quels sont les signes d'un TCA auxquels il faut faire attention ?
Il y en a trois types auxquels il faut prêter attention :
Ceux qui peuvent inclure une perte de poids importante, la mise en place d’une restriction alimentaire aussi bien qualitative (éviction des aliments les plus caloriques) que quantitative (diminution ou suppression des quantités, changement d’habitude alimentaire), des conduites de purge de type vomissements, prise de laxatifs ou encore une activité physique excessive.
Un mauvais équilibre du diabète non expliqué avec une HbA1c haute dû à une éventuelle privation ou réduction des doses d’insuline.
Des signes psychiatriques de symptômes dépressifs, de conduite d’évitement des soins doivent également faire rechercher un TCA.
Quelles sont les conséquences des troubles alimentaires dans le DT1 ?
À l’adolescence et chez le jeune adulte, l’acceptation d’une maladie chronique est souvent plus difficile. Cela peut engendrer une mauvaise observance du traitement et donc l’apparition de complications du diabète de type 1, qui peuvent être sévères à court et long terme (rétinopathie, neuropathie, coma).
Comment les prévenir ?
Le meilleur moyen est le dépistage systématique. Il peut être effectué par n’importe quel professionnel de santé que ce soit le médecin traitant, l’endocrinologue ou le diabétologue. Il existe un test de dépistage des TCA spécifique aux patients diabétiques, issu d’une version modifiée du questionnaire canadien SCOFF (m-SCOFF). En seulement 5 questions, il permet de rechercher les signes précurseurs et ainsi de permettre un premier dépistage.
Quelle prise en charge spécifique pour les DT1 ?
Pour les patients diabétiques comme pour les autres, c’est une prise en charge qui doit être multidisciplinaire. La prise en charge dépend de l’état de santé du patient. Il est important de mettre en place une bonne alliance thérapeutique entre le patient et l’équipe soignante pour définir des objectifs et des moyens thérapeutiques personnalisés. La psychothérapie individuelle ou familiale doit occuper une place importante dans le dispositif de soins. De plus, la psychoéducation des patients ainsi que leur famille est primordiale dès la découverte du diabète.
On parle de plus en plus de diaboulimie… Qu’est-ce que c’est ?
C’est le fait de mal utiliser l’insuline intentionnellement que ce soit en omettant des injections ou en réduisant les doses nécessaires dans le but de contrôler son poids. Il faut être vigilant, car même si ce n’est pas forcément le premier pas vers un TCA, la diaboulimie peut avoir des conséquences très importantes sur la santé aussi bien à court qu’à long terme.
Sources :
Dr Mathilde Septier et le Dr Julia Clarke, psychiatres praticiennes hospitalières et spécialistes des TCA au sein du service du Pr Philip Gorwood, Centre Hospitalier Ste Anne, Paris.
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition. DSM-5, American Psychiatric Association - APA, 2013.
Boulimie et hyperphagie boulimique : Repérage et éléments généraux de prise en charge. Recommandations de bonnes pratiques. HAS Juin 2019.
Gagnon et al. Predictors of Comorbid Eating Disorders and Diabetes in People with Type 1 and Type 2 Diabetes.Canadian Journal of diabetes ; 2017 Feb;41(1):52-57
Pinhas-Amiel O et al. World J Diabetes. 2015 Apr 15;6(3):517-26.